SERIGNE MOURTADA MBACKÉ (L'AMBASSADEUR DE SERIGNE TOUBA)
Alors qu’au pays où des instituts islamiques et des autobus aux "tarifs sociaux" ont fini d’asseoir sa réputation, Serigne Mourtada restera toujours la générosité faite discrétion. De sorte que ce 8 août 2004 marque la fin à 82-83 ans, d’un long et élogieux parcours dédié à l’Islam, à la propagation des enseignements de son père Cheikh Ahmadou Bamba et à l’assistance à son prochain. Car avec sa disparition, le Mouridisme perd également un grand humaniste qui, dans un environnement fortement marqué par la pauvreté, avait fait du social une seconde nature..
C’est un missionnaire de la foi, aimé, admiré et respecté au Sénégal, mais aussi reconnu et recherché hors de nos frontières, surtout dans ces lointaines contrées, où il a tracé le sillon, puis ensemencé l’Islam et veillé sur son rayonnement, qui s’en va se présenter au-devant de son Créateur. Les témoignages qui ont fusé de tous les coins du monde, dès l’annonce de la triste nouvelle, mettent en valeur ses qualités humaines qui étaient l’affabilité, la discrétion, la générosité, la courtoisie, l’humilité, l’altruisme et un amour prononcé pour son prochain, quelles que soient sa couleur et ses convictions religieuses. Sa vie entière, il l’aura consacrée à se rendre utile à son prochain. Il aura fait un long compagnonnage avec la prescription de son vénéré père, Cheikh Ahmadou Bamba qui a toujours enseigné à ses disciples «le travail comme si l’on devait vivre des siècles et la prière comme si l’on devait mourir dans la seconde qui suit». Abreuvé à la source de Serigne Ndame Abdourahmane Lô, Serigne Mourtada gardera envers lui, et jusqu’à ses derniers instants, cet amour tyrannique pour l’instruction et l’éducation. Ce sacerdoce le conduira à créer d’innombrables instituts islamiques et des écoles franco-arabes. Mieux, il accompagnera les étudiants sortis de ses moules dans les prestigieuses universités arabes. Pour pérenniser sa mission, le saint homme mit sur place une organisation d’appoint, basée sur une régie de transport interurbain, des boulangeries et des essenceries. De la sorte, il bouclait la boucle et prenait en charge le traitement des enseignants de ses écoles. Les produits tirés des différentes activités étaient réinjectées dans la création de nouvelles écoles ou la consolidation de celle déjà existantes. D’un autre côté, Serigne Mourtada Mbacké s’était armé de son bâton de pèlerin, pour faire avancer les frontières non seulement du mouridisme, mais de l’Islam tout court. Ainsi, il aura revisité Mayombé (l’île aux poulets). Il implanta la religion de tolérance aux USA, en Europe et dans de nombreux pays africains. À convoquer l’histoire, on se rend compte qu’il a allumé et ravivé de nombreux foyers mourides dans des zones où ce n’était pas gagné d’avance pour l’islam ; d’autant plus que la religion était regardée à travers des prismes déformants d’un Occident qui confondait islam et intolérance. Serigne Mourtada a toujours sublimé l’enseignement et le travail, jusqu’à n’en plus pouvoir. À côté de sa fonction de missionnaire, le saint homme était un refuge sûr pour le pauvre et l’indigent, l’ignorant et le pénitent, le croyant et le mécréant, enfin, il y allait de sa largesse envers l’homme dans toute sa dimension
Serigne Mourtada, le multidimensionnel !
À côté de celui qu’on appelle couramment l’ambassadeur du Mouridisme dans le monde entier, ou encore “ ministre des affaires étrangères du khalife général des mourides ”, il y a Mourtada l’éducateur, le bâtisseur, l’investisseur pour le bien être des plus démunis. Mais le fils cadet de Cheikh Ahmadou Bamba n’en était pas moins un infatigable voyageur au service de l’actuel khalife général des mourides. En effet, en plus de ses nombreux déplacements à l’étranger, il représentait son frère, ami, complice et guide Serigne Touba Cheikh Saliou Mbacké dans plusieurs événements religieux à l’intérieur du pays. L’illustre disparu était le pont entre le Khalife général des mourides et les autres familles religieuses du Sénégal. Il a marqué toutes les confréries par son omniprésence avec l’aval de son frère. C’était lui aussi le spécialiste des cérémonies de pose de première pierre de mosquées et complexes religieux mourides, et de leurs inaugurations. La direction des prières de Tabaski, Korité et Tamkharit aussi lui incombait depuis la disparition de Serigne Abdoul Khadre (Imam de la mosquée de Touba de 1968 à 1991). Ainsi que celle des obsèques de certains dignitaires mourides. Serigne Mourtada est parti hélas ! Mais en ayant convaincu tout le monde d’avoir bien achevé sa lourde mission de promotion de l’islam et du mouridisme.
En rejoignant au paradis son homonyme et sa référence, le prophète Mouhamed (PSL), son père et idole Khadimou Rassoul et ses illustres frères et sœurs, Serigne Mourtada devient le 18e fils du vénéré Cheikh Ahmadou Bamba à avoir vécu sans accéder au Khalifat. Ce dernier n’aura donc connu, en fin de compte, que cinq fils du fondateur du Mouridisme (Serigne M. Moustapha de 1927 à 1945, Serigne Fallou de 1945 à 1968, Serigne Abdoul Ahad de 1968 à 1990, Serigne Abdoul Khadre de 1990 à 1991 et Serigne Saliou actuel khalife). Ainsi, sur une famille de 28 femmes et 23 hommes, il ne reste plus que Cheikh Saliou Mbacké sur terre. Prions pour que le bon Dieu lui accorde longue vie et une santé de fer.